Archives mensuelles : Mai 2010

ESCALE AUX MARQUISES, DIOR par Jean-Luc Suchet

 

 Mise en page 1Et s’il n’y a pas d’hiver, cela n’est pas l’été

La pluie est traversière, elle bat de grain en grain

Quelques vieux chevaux blancs qui fredonnent Gauguin

Et par manque de brise, le temps s’immobilise

Aux Marquises…, chantait mélancoliquement Jacques Brel.

C’est dire si l’atmosphère dans cet archipel n’est probablement pas aussi paradisiaque qu’on l’imagine, même si elle doit être très inspirante. Cette troisième Escale des Parfums Dior fait suite à celles à Portofino (très réussie dans son genre) et à Pondichéry. Il est probable que marquise renvoie davantage à l’univers rêvé, très XVIIIème s., de Monsieur Dior qu’à ces lointaines contrées. Pourquoi pas. Je n’ai jamais très bien saisi l’intérêt de ces escales qui ont plutôt tendance à lorgner du côté eau de Cologne, et, dans ce registre, les Cologne Dior ont un tempérament nettement plus inspirant (voir mon post du 21 mars). A force de vouloir voyager, on finit par faire du sur place tant ce registre demande, certes de la finesse mais pas de réels atermoiements en termes olfactifs.

03_Escale_aux_MarquisesEntre une escapade aux Marquises ou au Mont Saint-Michel, j’hésite forcément en ces temps de volcans éruptifs. Ce n’est pas la fleur de tiaré, le prétexte à ce nouveau voyage, qui risque de me faire changer d’avis. Et, pour elle, il n’est pas question que je prenne un ticket tant elle me rappelle les émanations d’un lave vaisselle en cycle terminal. Pourtant, je l’avoue, elle n’est sans âme. Peut être est-elle trop régressive, trop solaire, trop associée au parfumage des produits pour la bronzette. Très peu de créations la revendiquent ou osent l’assumer pour de vrai, si ce n’est: Tiaré Mimosa, Aqua Allégoria, de Guerlain; Songe de Annick Goutal; Ombre Bleu de Jean-Charles Brosseau; Azurée de Estée Lauder. Serait-elle une mal aimée, une parente pauvre que l’on n’ose à peine montrer, ou attend-elle, dans l’ombre, sa revanche et une reconnaissance sans appels, mais méritées. Sait-on jamais…

Pour ce qui est de Escale aux Marquises, la fleur de tiaré n’est pas, heureusement, dans une phase ascensionnelle. Il n’est d’ailleurs là pas question de lui laisser prendre trop de place par rapport aux agrumes. Je trouve le départ très citronné, très frais, très simple, très propre, très Cologne en somme. Quelques aériennes touches d’épices, girofle et muscade, déposent leur discret cachet et apportent une certaine sensualité. C’est au final que l’on discerne un peu, très peu, la présence de la fleur de tiaré. Présence doucereuse, probablement associée à du musc blanc afin de donner du sillage et la fameuse impression de propre qui fait fureur actuellement. L’ensemble est agréable, rondement mené, un brin lascif, pas du tout à déposer ou à conseiller à la nuque d’un homme. Sous des airs légers et discrets, cette eau disponible uniquement en vapo – pourquoi pas en splash ?- cache bien ses effets, même s’ils sont mesurés.

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PRIVATE COLLECTION, ESTÉE LAUDER par Jean-Luc Suchet

 

 estee-lauderC’est bien connu, on ne prête qu’aux riches. Et riche, Estée Lauder le fut: de créativité, de pugnacité; osons le dire, de génie. De là à enluminer sa biographie, il n’y a qu’un pas, inutile: sa vie ni sa personnalité n’ont besoin de rien pour se placer naturellement sous le signe de l’extraordinaire.

480px-Estee_Lauder_NYWTSEt extraordinaires, ses parfums le sont et le restent. Je dirais même qu’elle n’avait pas peur de casser la baraque à coup d’audace, d’opulence et de beaucoup d’intuition. Avait-elle fait sienne la devise de Cocteau, trop est tout juste assez pour moi… En tout cas, Estée Lauder a créé une parfumerie où les mots: complexe, cossu et capiteux, prennent un sens panoramique. Rien d’assez beau, d’assez facetté, d’assez flamboyant et tenace pour satisfaire son flair luxuriant. Tels des diamant gros comme le Ritz, ses parfums d’envergure cognent et exultent en tenant un cap original et grandiloquent. En hommage à cette grande dame culottée et inspirée, citons quelques uns de ses fleurons de grande facture: Youth Dew (1953), White Linen, Cinnabar (1978), Knowing (1988). youth dew

Private Collection (1973), lui, est un cas un peu à part. Beaucoup d’histoires courent au sujet de ce floral à peine ambré. Elle l’aurait fait faire pour elle-même, puis offert à certaines de ses proches dont la princesse Grace, et ensuite se serait décidée à le commercialiser un peu puis beaucoup. PCJWM_300dpi N’oublions pas qu’Estée, bien avant l’heure, était un as du marketing et qu’elle savait tricoter des histoires comme personne. En reprenant le flambeau et en créant trois suites sous le nom de Private Collection, sa petite fille, Aerin, redonne du lustre à une légende vraie ou fausse. Mais qu’importe, il fallait le faire, et ce n’était pas gagné d’avance…

Aerin_Lauder__2008_PR_Shot2_UnlimitedUseLes exemples abondent dans l’histoire d’héritiers d’empires de toutes sortes qui ne surent pas se montrer à la hauteur de leurs ancêtres. Chez les Lauder, tous reçoivent en partage le talent et le sens des affaires, mais le génie se transmet par les femmes ; Aerin Lauder en est le plus éclatant exemple. C’est une créative, bien dans son temps, folle d’art et de mode. Mariée à un banquier New-Yorkais, comme son aïeule, mère de deux enfants, elle concilie parfaitement les exigences de Creative Director du groupe Lauder et ses devoirs d’épouse et de mère. Tête bien faite sur une silhouette élégante, elle perpétue la légende familiale. Par exemple, c’est à son initiative que Tom Ford a réinterprété Youth Dew… que portait sa propre grand-mère, tel un hommage explicite au génie Lauder.

Dans ce groupe d’envergure où l’esprit de famille est le nerf de la guerre, Aerin en est la nouvelle incarnation. Héritière, elle est une figure de cette noblesse d’argent qui fascine l’Amérique : ces familles d’entrepreneurs mécènes ou d’hommes politiques. Elle est une étoile des soirées new-yorkaises, proche d’artistes et amies de créateurs de mode. Cette visibilité mondaine est aussi une nécessité. Aerin personnifie, au vrai sens du terme, l’image de l’entreprise. D’ailleurs, dans son bureau de la 5e Avenue, il s’agit toujours d’innover dans la continuité, d’avancer sans jamais oublier le passé. De fait, elle a relancé le concept de Private Collection imaginé par sa grand-mère: un parfum exclusif, presque confidentiel, qui, sous sa direction, reprend un souffle certain, plus contemporain. Il s’agit de trois eaux de parfums déclinées sous l’emprise des fleurs préférées d’Estée, et qui ne devraient pas faire l’objet d’autres interprétations. Une bonne raison de faire le clap de fin.

Private_Collection_Amber_300_dpi_-Large- Le premier Tuberose Gardenia (2008) parvient à faire cohabiter les deux harpies de la parfumerie que sont la tubéreuse et le gardénia. Beaucoup de grands nez sont très perplexes en ce que concerne l’emploi de la tubéreuse tant elle est envahissante, prenante, et ramène, en grande despote, tout à elle. Difficile à habiller, à facetter, elle leur donne du fil à retordre tant elle ne cède en rien de sa personnalité. En véritable serpent à sonnette, elle hypnotise de ses effluves la moindre parcelle d’une fragrance. Il est vrai qu’elle a un côté animal, presque prédateur, qui fait d’elle un cas d’école, et qu’on n’ose à peine à la manipuler de loin ou de près. Au passage, je trouve que la note tubéreuse n’est pas synonyme d’hyper féminité, je la verrai assez bien dans un masculin, qui l’oserait. Par ailleurs, les créations la mettant en scène sont assez rares en dehors du légendaire Fracas de Robert Piguet (1948), de Blonde de Versace (existe-t-il toujours?) et de Hypnotic Poison de Dior. Le grand référent reste Fracas. A son sujet, on raconte qu’il n’est plus tout à fait le même que jadis. Vérification faite auprès des responsables actuels de Robert Piguet, on m’assure que la formule imaginée par Germaine Cellier, son créateur, est bien celle d’autrefois, qu’elle a bien été conservée en l’état malgré les changements de propriétaires et les aléas qui vont avec. J’en prends note. Autant Fracas était surdosé en tubéreuse, voluptueux, un brin aldéhydé, autant Tuberose Gardenia essaie de calmer le jeu, en vain. Dans un rôle de figurant, le gardénia peine à se faire reconnaître, malgré sa ferveur intrinsèque. De son côté, la fleur d’oranger «allège» un tant soit peu les deux compères et apporte une infime fraicheur. L’ensemble est, au final, assez mesuré, et le sillage somme toute d’une relative discrétion.

Amber Ylang Ylang (2009) est probablement le plus consensuel, à mon avis, mais, et il y a toujours des mais, si la note ambre se marie bien volontiers à cette fleur opulente et à laquelle sont associés absolu de rose, et encens, elle semble être écourtée de sa langueur légendaire. De même, à cause de la présence de vanille, la fragrance semble assez sucrée, un poil caramel avant qu’il ne prenne des couleurs trop brunes. Ici aussi, il y a un soupçon de fraicheur en demi-teinte. Serait-ce la bergamote? Plutôt tendre et facile, parfait pour une homme, ce voyage sans équivoque n’appelle pas un imaginaire foisonnant: Shéhérazade lascive et tentatrice ou sultan en quête de mille et un nuits ardentes. Non, on en est très loin. Ici, on réconcilie l’orient et l’occident, quitte à se croire dans un royaume, certes luxueux, mais un peu préfabriqué.

 Private_Collection_FA07_300dpiLe petit dernier, Jasmine White Moose (2010) tente de moderniser l’illustre et complexe famille Chypre. Actuellement, ce registre a bien du mal à faire des émules plus volontiers tentées par des parfums à tendance glossy, c’est à dire: fleurs blanches tamponnées de sucre. On me dit que cet ultime ouvrage avait été imaginé par cette chère Estée, puis laissé inachevé… Exit la mousse de chêne verte pour faire place à la mousse dite blanche. Pour l’avoir reniflé de très prés, ce nouvel ingrédient est un soleil pâle mais pas nul. Dans la présente composition, adoubée classiquement de patchouli, il affiche un certain tempérament sans avoir une aura traçante et, honnêtement, ce n’est pas mal du tout. L’histoire est là, en filigrane, mais un peu romancée. C’est comme si l’on passait de La Pléiade à la Bibliothèque Rose. Le charme s’impose sans déranger grâce à la présence de très belles notes florales, jasmin Sambac, iris, violette, dont beaucoup proviennent des Laboratoires Monique Remy (IFF), un gage de qualité. Quitte à déplaire à certains esprits chagrins, je dirais que Jasmine White Moos a tout pour plaire du côté de Martha’s Vineyard, donc plus Deauville que Saint-Tropez, tellement il est chic et presque parfait.

Flacon rectangulaire et plat, sublime. Cabochon inspiré d’un bijou de Joseph Hoffmann ayant appartenu à Estée et qu’elle avait offert à Aerin. Il mêle l’or, le verre et les pierres, ce dernier est uniquement disponible dans les versions parfums, 30ml, 290€, (mazette!!!). Tous différents selon la fragrance choisie.

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PRIVATE COLLECTION, ESTÉE LAUDER par Jean-Luc Suchet

 

 estee-lauderC’est bien connu, on ne prête qu’aux riches. Et riche, Estée Lauder le fut: de créativité, de pugnacité; osons le dire, de génie. De là à enluminer sa biographie, il n’y a qu’un pas, inutile: sa vie ni sa personnalité n’ont besoin de rien pour se placer naturellement sous le signe de l’extraordinaire.

480px-Estee_Lauder_NYWTSEt extraordinaires, ses parfums le sont et le restent. Je dirais même qu’elle n’avait pas peur de casser la baraque à coup d’audace, d’opulence et de beaucoup d’intuition. Avait-elle fait sienne la devise de Cocteau, trop est tout juste assez pour moi… En tout cas, Estée Lauder a créé une parfumerie où les mots: complexe, cossu et capiteux, prennent un sens panoramique. Rien d’assez beau, d’assez facetté, d’assez flamboyant et tenace pour satisfaire son flair luxuriant. Tels des diamant gros comme le Ritz, ses parfums d’envergure cognent et exultent en tenant un cap original et grandiloquent. En hommage à cette grande dame culottée et inspirée, citons quelques uns de ses fleurons de grande facture: Youth Dew (1953), White Linen, Cinnabar (1978), Knowing (1988). youth dew

Private Collection (1973), lui, est un cas un peu à part. Beaucoup d’histoires courent au sujet de ce floral à peine ambré. Elle l’aurait fait faire pour elle-même, puis offert à certaines de ses proches dont la princesse Grace, et ensuite se serait décidée à le commercialiser un peu puis beaucoup. PCJWM_300dpi N’oublions pas qu’Estée, bien avant l’heure, était un as du marketing et qu’elle savait tricoter des histoires comme personne. En reprenant le flambeau et en créant trois suites sous le nom de Private Collection, sa petite fille, Aerin, redonne du lustre à une légende vraie ou fausse. Mais qu’importe, il fallait le faire, et ce n’était pas gagné d’avance…

Aerin_Lauder__2008_PR_Shot2_UnlimitedUseLes exemples abondent dans l’histoire d’héritiers d’empires de toutes sortes qui ne surent pas se montrer à la hauteur de leurs ancêtres. Chez les Lauder, tous reçoivent en partage le talent et le sens des affaires, mais le génie se transmet par les femmes ; Aerin Lauder en est le plus éclatant exemple. C’est une créative, bien dans son temps, folle d’art et de mode. Mariée à un banquier New-Yorkais, comme son aïeule, mère de deux enfants, elle concilie parfaitement les exigences de Creative Director du groupe Lauder et ses devoirs d’épouse et de mère. Tête bien faite sur une silhouette élégante, elle perpétue la légende familiale. Par exemple, c’est à son initiative que Tom Ford a réinterprété Youth Dew… que portait sa propre grand-mère, tel un hommage explicite au génie Lauder.

Dans ce groupe d’envergure où l’esprit de famille est le nerf de la guerre, Aerin en est la nouvelle incarnation. Héritière, elle est une figure de cette noblesse d’argent qui fascine l’Amérique : ces familles d’entrepreneurs mécènes ou d’hommes politiques. Elle est une étoile des soirées new-yorkaises, proche d’artistes et amies de créateurs de mode. Cette visibilité mondaine est aussi une nécessité. Aerin personnifie, au vrai sens du terme, l’image de l’entreprise. D’ailleurs, dans son bureau de la 5e Avenue, il s’agit toujours d’innover dans la continuité, d’avancer sans jamais oublier le passé. De fait, elle a relancé le concept de Private Collection imaginé par sa grand-mère: un parfum exclusif, presque confidentiel, qui, sous sa direction, reprend un souffle certain, plus contemporain. Il s’agit de trois eaux de parfums déclinées sous l’emprise des fleurs préférées d’Estée, et qui ne devraient pas faire l’objet d’autres interprétations. Une bonne raison de faire le clap de fin.

Private_Collection_Amber_300_dpi_-Large- Le premier Tuberose Gardenia (2008) parvient à faire cohabiter les deux harpies de la parfumerie que sont la tubéreuse et le gardénia. Beaucoup de grands nez sont très perplexes en ce que concerne l’emploi de la tubéreuse tant elle est envahissante, prenante, et ramène, en grande despote, tout à elle. Difficile à habiller, à facetter, elle leur donne du fil à retordre tant elle ne cède en rien de sa personnalité. En véritable serpent à sonnette, elle hypnotise de ses effluves la moindre parcelle d’une fragrance. Il est vrai qu’elle a un côté animal, presque prédateur, qui fait d’elle un cas d’école, et qu’on n’ose à peine à la manipuler de loin ou de près. Au passage, je trouve que la note tubéreuse n’est pas synonyme d’hyper féminité, je la verrai assez bien dans un masculin, qui l’oserait. Par ailleurs, les créations la mettant en scène sont assez rares en dehors du légendaire Fracas de Robert Piguet (1948), de Blonde de Versace (existe-t-il toujours?) et de Hypnotic Poison de Dior. Le grand référent reste Fracas. A son sujet, on raconte qu’il n’est plus tout à fait le même que jadis. Vérification faite auprès des responsables actuels de Robert Piguet, on m’assure que la formule imaginée par Germaine Cellier, son créateur, est bien celle d’autrefois, qu’elle a bien été conservée en l’état malgré les changements de propriétaires et les aléas qui vont avec. J’en prends note. Autant Fracas était surdosé en tubéreuse, voluptueux, un brin aldéhydé, autant Tuberose Gardenia essaie de calmer le jeu, en vain. Dans un rôle de figurant, le gardénia peine à se faire reconnaître, malgré sa ferveur intrinsèque. De son côté, la fleur d’oranger «allège» un tant soit peu les deux compères et apporte une infime fraicheur. L’ensemble est, au final, assez mesuré, et le sillage somme toute d’une relative discrétion.

Amber Ylang Ylang (2009) est probablement le plus consensuel, à mon avis, mais, et il y a toujours des mais, si la note ambre se marie bien volontiers à cette fleur opulente et à laquelle sont associés absolu de rose, et encens, elle semble être écourtée de sa langueur légendaire. De même, à cause de la présence de vanille, la fragrance semble assez sucrée, un poil caramel avant qu’il ne prenne des couleurs trop brunes. Ici aussi, il y a un soupçon de fraicheur en demi-teinte. Serait-ce la bergamote? Plutôt tendre et facile, parfait pour une homme, ce voyage sans équivoque n’appelle pas un imaginaire foisonnant: Shéhérazade lascive et tentatrice ou sultan en quête de mille et un nuits ardentes. Non, on en est très loin. Ici, on réconcilie l’orient et l’occident, quitte à se croire dans un royaume, certes luxueux, mais un peu préfabriqué.

 Private_Collection_FA07_300dpiLe petit dernier, Jasmine White Moose (2010) tente de moderniser l’illustre et complexe famille Chypre. Actuellement, ce registre a bien du mal à faire des émules plus volontiers tentées par des parfums à tendance glossy, c’est à dire: fleurs blanches tamponnées de sucre. On me dit que cet ultime ouvrage avait été imaginé par cette chère Estée, puis laissé inachevé… Exit la mousse de chêne verte pour faire place à la mousse dite blanche. Pour l’avoir reniflé de très prés, ce nouvel ingrédient est un soleil pâle mais pas nul. Dans la présente composition, adoubée classiquement de patchouli, il affiche un certain tempérament sans avoir une aura traçante et, honnêtement, ce n’est pas mal du tout. L’histoire est là, en filigrane, mais un peu romancée. C’est comme si l’on passait de La Pléiade à la Bibliothèque Rose. Le charme s’impose sans déranger grâce à la présence de très belles notes florales, jasmin Sambac, iris, violette, dont beaucoup proviennent des Laboratoires Monique Remy (IFF), un gage de qualité. Quitte à déplaire à certains esprits chagrins, je dirais que Jasmine White Moos a tout pour plaire du côté de Martha’s Vineyard, donc plus Deauville que Saint-Tropez, tellement il est chic et presque parfait.

Flacon rectangulaire et plat, sublime. Cabochon inspiré d’un bijou de Joseph Hoffmann ayant appartenu à Estée et qu’elle avait offert à Aerin. Il mêle l’or, le verre et les pierres, ce dernier est uniquement disponible dans les versions parfums, 30ml, 290€, (mazette!!!). Tous différents selon la fragrance choisie.

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Boxeuses et Bas de soie chez Serge Lutens

 

Boxeuses_fond blanc_édition gravée copie  Par la froidure du jolis mois de mai, rendez-vous était pris aux Salons du Palais Royal. Une boxeuse en bas de soie m’y attendait. Mouvante et tenant la garde, cette vision de la féminité semblable à l’humeur présente de Serge Lutens, se tenait sur le ring, prête à l’uppercut mais sachant surtout que la meilleure défense reste encore l’attaque. Loin d’être KO, cette boxeuse chasse le coup et montre les mains, afin de ne pas chuter au sol. Son ennemi invisible se nomme la morosité truquée, bien trop sentie dans l’air du temps. Ses armes : deux parfums en riposte qui chassent le coup, en crochet puissant et en habits neufs. Les étuis se parent d’un beau noir ourlé de parme. La signature graphique souligne l’ élégante police « Nicolas Cochin ».

Boxeuses_Packshot Du cuir tout d’abord, Boxeuses dans la Collection des Salons du Palais Royal, me donne au premier corps à corps une envolée de Cuir de Russie et une vision de beau maroquin rouge, comme à l’époque où les femmes s’approprièrent le cuir et le portèrent sur la peau. Un temps que « les moins de 20 ans (et plus …) ne peuvent pas connaître » ! Le cuir, matière traditionnellement liée aux activités masculines était alors devenu l’emblème olfactif de l’émancipation féminine. En 1924, Cuir de Russie de Chanel avait réinterprété un accord de baumes utilisé par les officiers russes pour entretenir leurs bottes de cuir et en avait réinventé le genre par un fond chaud, un peu gras, goudronné de styrax, de bouleau et de castoréum. Il évoquait discrètement un cuir plus luxueux qui était dédié aux garçonnes mais adopté aussi par les hommes qui reconnaissaient leur univers et qui n’avaient guère de parfums encore à leur disposition. Le « cuir de Russie » était déjà un genre en soi depuis le lancement de deux compositions par Guerlain et Rimmel en 1875, sans compter toutes les Eaux de Cologne « à la russe » du XIXème siècle. Mais Cuir de Russie de Chanel, en renouvelait l’écriture, la rendant féminine, par une forte dose d’iris.

Serge Lutens qui confesse avoir aimé enfant les odeurs de garage, où l’huile se mêle à l’essence, nous permet en 2010 de retrouver la force d’un vrai cuir dans sa vision occidentale. Loin de Cuir Mauresque, Boxeuses renoue autant avec la liberté qu’avec l’élégance androgyne. Un cuir authentique qui ne ment pas dans sa filiation avec le parfum Tabac Blond de Caron, fondateur en 1919 des parfums « Cuir », « sous famille » d’un chypre, d’un ambre ou d’un floral, par l’usage de la note bouleau « pyrogéné » c’est-à-dire distillé à chaud et associée au styrax et à l’encens, à l’essence de cade et aux épices. Des senteurs âcres et puissantes qui poussent à tous les crimes olfactifs ! Une publicité de Cuir de Russie de Chanel, datant des années 20, précise que « les femmes bien élevées  le trouveront peut-être inconvenant » ! C’est pour cela que cette famille reste très étroite et attire des femmes qui osent se différencier. Notre époque qui aime le propre, se défie de l’animalité et des notes sexuellement incitatives. Guerlain a lancé « Cuir Beluga » en 2005 n’évoquant pas le fauve mais un très beau daim lisse et élégant. Kelly Calèche d’Hermès joue aussi sur une note de cuir floral (avec la rose) plein de politesse et loin de la fureur de vivre des Garçonnes. Mais en 2010, prêtes à rugir et à se battre, elles remontent sur le ring et Serge Lutens, en boxeuse masquée, se fait l’arbitre des élégances.

Bas de Soie_Packshot ter  C’est pour cela, que Serge Lutens a pensé aussi au « repos de la guerrière », lorsque seule et apaisée, elle parfait sa beauté en toute intimité. Elle enfile ses bas de soie, opération délicate qui appelle la précision afin que la jambe s’affine, s’allonge, pointée vers le ciel avant de retomber sur talons aiguilles. Bas de Soie est un parfum aérien, qui sent la peau douce et fine. Une balance parfaite entre la Hyacinthe et l’iris, qui s’entremêlent sans combat. Serge Lutens s’en amuse : « En somme, dit-il, une messe noire, où la sombre guipure rencontre la dentelle, et le bas …. Va de « soie » ». Un accord basé sur l’inattendu entortillement de ces deux fleurs, dont le bleu tire sur le mauve et qui ont tant pour s’entendre. La pointe verte de la première dynamise les accents terreux de la seconde. Il en résulte un parfum feutré, délicieusement poudré et irrésistiblement chic. Serge Lutens aime rappeler que les accords créent les parfums, à la manière d’une élégance nostalgique où chaque détail de la tournure compte, sans ostentation et sans l’éclat du neuf mais celui des belles matières. Serge Lutens aimerait nous offrir tous ces accessoires oubliés de la féminité : chapeaux, voilettes et gants parfumés.

 Packshot_fond_blanc__Mascara_Oeil_pour_oeil_BD Il nous propose un mascara, oeil pour oeil, courbe et recourbe,  qui  allonge les cils pour nous faire un regard de braise (45 euros). Mais Serge Lutens nous rappelle surtout que le parfum est une arme de séduction redoutable en même temps que le fruit de la conscience de soi, se traduisant dans des attitudes et une gestuelle très précise. Telle une boxeuse, la féminité est mobile. Impalpable, comme un nuage de poudre, elle ne peut ni se quantifier ni se contenter de clichés.

BOXEUSES – 75 ML – 120 € – EXCLUSIVITE SALONS DU PALAIS ROYAL SHISEIDO – SEPTEMBRE 2010

BAS DE SOIE  – 50 ML – 79 € –  JUIN 2010 SALONS DU PALAIS ROYAL SHISEIDO PARIS  – AOUT 2010 LANCEMENT NATIONAL

MASCARA OEIL POUR OEIL – SALONS DU PALAIS ROYAL SHISEIDO -SCENT ROOM PRINTEMPS – 45 €

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TOUJOURS PLUS EAUX ! par Jean-Luc Suchet

 

image Le registre «eau»: eau fraîche, eau de Cologne ou simplement Cologne, sans oublier les versions « sport » pour homme, est celui que la parfumerie aime emprunter à l’approche des beaux jours. Pour ce qui est de la simple appellation Cologne, on ne sait pas toujours de quoi il retourne tant les interprétations différent d’une marque à l’autre: effet de mode, sillage modérée, mixité revendiquée, histoire de fraîcheur ou signature marketing consensuelle… Nul ne sait. Toujours est-il que dans ce ras de marée aquatique, certaines propositions en demi-teinte sortent du lot et démontrent que ce genre n’est pas toujours synonyme de platitude olfactive estivale.

D’hier ou d’aujourd’hui, certaines créations enchantent toujours mes narines, pour être plus précis il y en a trois, toutes fort différentes: Eau d’Hermès (Edmond Roudnitska,1951) pour son faste inégalable, même un peu trop; Cologne Bigarade, pour son cœur de rose en sourdine, de Jean-Claude Ellena aux Editions de Parfums Frédéric Malle; et la très raffinée – très néroli – Eau de Cologne Chanel dans la collection Les Exclusifs. Je sais, c’est un peu élitiste, mais je ne me referai pas. Il m’est impossible d’omettre Guerlain et ses célèbres Eaux de Cologne tant elles font partie de mon paysage olfactif depuis des lustres. Il est vrai que j’ai, à tort, tendance à les oublier. Peut-être sont-elles trop bourgeoises d’un point de vue sociologique, et à mon sens. La nouvelle Eau de Cologne du Parfumeur de Guerlain composée par Thierry Wasser me les rappelle à mon bon souvenir et pour mon plus grand plaisir.

L’an passé, je m’étais entretenu avec Jean-Claude Ellena à propos de ses deux nouvelles eaux pour Hermès, Pamplemousse Rose et Gentiane Blanche, il me précisait alors une tendance désormais incontournable: «Depuis quelques temps, les notions de fraîcheur, d’hygiène et de confort ne sont plus toujours évoquées par les agrumes, mais par les muscs blancs. Ils sont devenus les référents en matière d’odeur de propreté.» Hélas, mille fois hélas, on ne peut que vérifier cette fâcheuse manie. Les muscs blancs lessivent la parfumerie actuelle de fond en comble. Il y en a à peu près partout pour être dans l’air du temps et plaire au plus grand nombre, quitte à confondre un produit pour assouplir le linge et une eau parfumée. Ce n’est plus de la parfumerie, c’est de la cavalerie à la sauce Soupline.

A force d’être trop consensuel, on finit par ennuyer le nez. Le mien, vous l’avez compris, n’est pas très amateur du musc blanc. Ce n’est pas parce qu’il est d’origine synthétique que je le désapprouve, c’est surtout que je le trouve envahissant, sans relief et sans réelle personnalité. Bref, ennuyeux à mourir, la plupart du temps.

pa2006_0059 Après tout, tout est affaire de goût. Et, à propos de goût, les Guerlain en avaient beaucoup. Chaque génération a fait une Eau de Cologne: Pierre-François-Pascal, fondateur de la Maison Guerlain, a composé l’Impériale en 1853 ; André, l’Eau de Cologne du Coq, 1894; le grand Jacques, l’Eau de Fleurs de Cédrat,1920 ; Jean-Paul, l’Eau de Guerlain,1974. Toutes ont leur cachet propre, même s’il est infime, en mettant en exergue une note particulière, telle la verveine pour l’Eau de Fleurs de Cédrat. Qu’en est-il pour la nouvelle? Très logiquement, elle s’inscrit parfaitement avec les précédentes. Thierry Wasser avoue s’être fait un petit plaisir et l’avoir composé pour lui-même. Personne n’aura l’idée de lui reprocher ce péché véniel qui, par ailleurs, est largement partagé par tous les autres grands parfumeurs. Ce cher Jacques Polge est l’un des grands pécheurs en matière de ce qu’il nomme le sent-bon. Tous aiment ce registre simple et délicat qui, sans doute, leur permet de humer des matières premières naturelles exhalant les origines ancestrales de la parfumerie. Je parie même que cet exercice leur permet de s’aérer les narines entre deux créations plus poussées. Un sorte de lavement nasal salvateur. Cela étant dit, Thierry Wasser trouve que, dans l’ensemble, les Eaux de Cologne Guerlain sont un poil fugace. Il n’a pas tout à fait tort, mais n’est-ce pas au fond ce qu’on leur demande, de procurer une fraicheur égoïste et instantanée, plutôt que de suivre leur maître comme un toutou aux abois.

La Cologne du Parfumeur est particulièrement signée par une fleur d’oranger de belle facture et par une note verte, le galbanum, en pointillé. Toutefois, l’ambiance reste classique, fidèle à l’idée de ce qu’on se fait d’une belle eau plaisante et facile à porter. Très Guerlain en somme. A mon avis, à cause d’une pointe de lavande, elle devrait davantage plaire aux hommes qu’aux femmes. L’introduction dans la formule de musc blanc, mais oui il y en a, lui donne une certaine tenue. C’est probablement la grande nouveauté par rapport à ses aînées, et mon seul reproche. Mille excuses, Thierry, mais ma préférée reste, pour l’instant, l’Eau de Cologne du Coq.

Puisqu’il est question d’eaux, et que je n’ai pas l’intention d’y revenir de si tôt, d’autres créations ont retenu mon attention. L’Eau de Cartier Essence d’Orange, n’est pas exactement fraîche mais elle est légère à souhait. L’orange ne joue pas le trouble-fête et n’apporte pas d’astringence, bien au contraire. Imaginez-la plutôt en sirop, donc très veloutée, presque solaire, pas écœurante, et s’entendant comme une petite sœur aimée avec la version originelle de l’Eau de Cartier: florale, aromatique, boisée et ambrée. Sans esbroufe, c’est une belle invitation à l’été.

Chez Kenzo, l’eau est une seconde nature, on en compose beaucoup, voire un peu trop, quitte à s’y noyer. Pourtant, le nouvel opus, Flower by Kenzo La Cologne n’est pas sans charme juvénile. Sa fraicheur indolente est en partie assurée par la feuille de bigaradier. Plus sèche que verte, elle assagit le tempérament doucereux, baumé, miellé et musqué (musc blanc, bien évidemment), du Flower original, sans le rendre vraiment tonique.

Eau_fra-che_Amande_persane_100ml_300dpi_d-c._2009_Paufert Quand on dit Eau de Cologne, on pense forcément à Roger & Gallet, et ce n’est que justice, du moins sur un plan historique. Jean-Marie Farina Extra-Vieille R&G (1806) démontre que l’on peut traverser le temps sans prendre une ride. Depuis quelque temps, la dite Maison s’agite beaucoup en lançant chaque année une nouvelle eau fraîche. L’an passé, c’était le très plaisant Bois d’Orange, et cette saison, Amande Persane. Un brin amère et poudré, plutôt que frais, sans pour autant délaisser la notion de bien-être et de légèreté, qui fait la signature de cette marque sympathique et intemporelle.

CHROME_SPORT_EDT_50ML Histoire de les mettre au frais, Azzaro Chrome Sport fait les yeux doux aux hommes. Et ça devrait leur plaire et ne pas trop les défriser. Sans être une révolution, cette nouvelle orientation fait place à des horizons hespéridés associés à une légère touche de gingembre, et assagit le caractère un peu trop prenant de Chrome Ainsi, l’harmonie tient plutôt bien la route, même si celle-ci a déjà été maintes fois utilisée. Notons au passage, que les prétendants sont nombreux à vouloir les séduire et les mettre, olfactivement, au sport (Allure Homme Sport Chanel, Habit Rouge Sport Guerlain). Cette tendance semble s’installer pour de vrai et devait faire des émules en cascade – d’eaux -, à coup sûr!

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