Vous faites un tour en Grasse ? C’est l’occasion de visiter le Musée Provençal du costume et du bijou de Fragonard.
Fans de mode, d’histoire, de la région, ou simples curieux ? C’est pour vous.
Gratuite, cette expo nous replonge dans l’histoire de la Provence d’après la Révolution Française. Vous découvrirez l’importance économique de cette région à cette époque et durant deux siècles : il n’existe alors pas une, mais de multiples Provence.
OU ? L’exposition, gratuite, se trouve dans l’hôtel particulier
de Clapier-Cabris, aux portes du centre historique de Grasse.
Dès l’entrée, la demeure nous renvoie plus de deux siècles en
arrière : à la réception, un mur d’une vaste pièce aux plafonds
hauts dévoile une inscription d’un tribunal révolutionnaire. Ce
bel édifice fut en effet le lieu choisi par les cocardiers pour juger
13 aristocrates…
Le ton est donné et le voyage peut commencer.
SUIVEZ LE GUIDE… Tout au long de la visite, l’esprit curieux découvre les vêtements et bijoux portés par les femmes du peuple de la première moitié du 18e s. à fin 19e,, avec un descriptif
détaillé pour chaque objet. Au-delà de simples «chiffons», il s’agit là d’une belle leçon d’histoire.
Le vêtement y démontre des fonctions cachées : durant ces 150 ans, il suffisait d’un coup d’œil à la tenue pour déterminer l’origine sociale et géographique. La Provence étant alors une
vaste province recelant des caractéristiques géographiques et culturelles très diverses.
Ainsi sont expliquées les coutumes vestimentaires des femmes de la petite bourgeoisie, mais aussi celles de la bastidane, soit l’habitante d’une bastide, grande maison dans la campagne, où travaillaient plusieurs employés. Femme d’un propriétaire foncier, celle-ci était assez aisée, et ses vêtements se devaient de traduire cette richesse.
L’artisane, encore privilégiée quoique moins fortunée, portait elle des vêtements copiés sur ceux de la bastidane, mais avec des tissus de qualité inférieure.
La paysanne avait, elle, surtout besoin d’une tenue pratique pour travailler aux champs. Son costume était donc simple et résistant, de couleur foncée pour éviter que les taches ne se voient.
Ainsi, toutes ces femmes s’inspiraient de la couche sociale supérieure, et les aristocrates les plus fortunées des seigneuries copiaient elles-mêmes la mode en vigueur à la cour.
DES POUPEES POUR RECOPIER LA MODE DE LA COUR
A l’époque, point de magazine pour être tenue au courant de la mode, mais des poupées qui portaient des costumes de Versailles puis Paris circulaient en province, permettant ainsi de dupliquer les
dernières tenues des courtisanes.Plusieurs régions affirment leur style dès le XVIIème siècle :Arles bien sûr, mais aussi Marseille et ses alentours, qui impose le costume maritime, et Aix-en-Provence, rayonnant du Var à la haute Provence.
Au fil des pièces du musée, les tissus, eux, invitent à l’exotisme.
C’est l’époque des premiers voyages en Inde et en Orient. Ces voyages orientaux ont une influence énorme, dès le XVIIIe siècle,
sur les arts décoratifs et la mode dans toute l’Europe, du mobilier ou de la vaisselle aux parures et costumes. Les coquettes provençales, déjà férues de motifs floraux, affectionnent alors
particulièrement un tissu de coton dénommé l’ «indienne». Ce style de tissu imprimé s’orne de motifs cashemire et persans. Et de façon générale, de nombreux détails fleurissent sur les tissus provençaux : des fleurs stylisées, des cashemire, mais aussi des oiseaux, des motifs japonisants (éventails) ou égyptiens (papyrus,
lotus…). Au départ importé, ces tissus sont fabriqués à Marseille dès la
fin du XVIIe. Puis, de manufactures locales produisent mousselines et
indiennes en coton ; la laine, le chanvre, et la soie apparaissent
aussi pour des utilisations plus spécifiques. Parallèlement à Lyon,
Avignon et Aix cultivent les vers à soie pour devenir de grands
centres de production de ce tissu. Au XIXe siècle, le taffetas
devient monnaie courante pour les costumes de ville.
LES DIFFERENTS VETEMENTS
Au fils des salles, les mannequins montrent jupes et jupons,
composés d’une ou plusieurs épaisseurs selon la saison et la classe sociale. Si les chemises et les corsets sont plus intemporels, le corsage, réservé aux bastidanes et paysannes, et le fichu et le
châle, sont l’emblème du costume provençal. Sans oublier la coiffe, qui se porte à Arles à la«chanoinesse», entourant gracieusement le visage, jusqu’à la fin de l’ancien
régime, ou la « courduro », coiffe en tulle brodée ou simple
percale fine, répandue dans toute la Provence. Enfin, capes et
visites (des capes courtes à larges pans sur l’avant, pour se
protéger du froid) sont fermées par des boucles argentées en forme
de feuilles, fleurs ou main. La robe de mariée exposée, datant de 1843, raconte qu’à l’époque, la promise était en vêtements de couleur. Ce jour–
là, le marié offrait à sa femme le clavier d’argent, symbole du
pouvoir domestique, où l’on suspendait les clés de la maison. Sur
ce clavier, la partie visible, appelée crochet de ceinture, en fer,
laiton argent ou parfois en or, était décorée de motifs en forme de
cœur ornés de fleurs.
LES BIJOUX
Le milieu du XVIIIe voit aussi le développement des premiers bijoux
régionaux, une caractéristique que la Provence partage avec la riche
région de la Normandie, où montrer sa réussite est de bon ton.
Ainsi, vous découvrirez une belle collection de boucles d’oreilles
dénommées poissardes, en or et émail de la fin 18e Ces boucles
assez voyantes, des anneaux oblongs décorés d’un médaillon,
étaient les bijoux des Marseillaises, leur nom dérivant ainsi des
poissonnières de la ville qui aimaient montrer leurs bijoux !
Parmi les nombreuses croix exposées, certaines, comme la croix
Capucine, avec cinq cônes creux garnis au sommet de pierres dures
(quartz) ou précieuses (diamant), se trouvent essentiellement en
Provence. Arles se distingue avec la croix maltaise, inspirée du
sigle de l’ordre de Malte. Là encore, un bel exemplaire en or et
émail se laisse admirer, parmi une multitude d’autres croix,
boucles de cape, et autres broches. Le temps de l’exposition, on se surprend à se rêver femme provençale d’une autre époque.
Notre tenue ? –pourquoi pas ce jupon en boutis blanc brodé de motifs
animaux, avec par-dessus un joyeux corsage aux motifs du jardin, qui
cambre la ligne, protégé d’un fichu de mousseline, sans oublier le
long châle en cashemire rapporté de Chine. Nos oreilles se parent
d’une jolie paire de poissardes dorées, relevées d’émaux bleus.
En ce temps-là, la coquetterie et le raffinement du détail
n’avaient décidément rien à envier à notre mode actuelle !
Garance
Musée provençal du Costume et du bijou,
hôtel de Clapiers-Cabris, 2 rue Jean ossola, 06130 Grasse.
Tél : 04.93.36.44.65.
Jusqu’au 24 janvier 2009, exposition « des fleurs et des étoffes ».
ET AUSSI, NE MANQUEZ PAS ….
Profitez de votre passage à Grasse pour (re-?) découvrir le Musée
International de la parfumerie, qui ouvre ses portes, après quatre
ans de travaux, le 18 octobre Prochain. Pour sa rénovation, le musée
double sa surface, de 3500m2. Avec des collections d’exception, de
l‘antiquité, du moyen-âge, et des périodes modernes et
contemporaines : pas moins de 50 000 objets des cinq continents, dont
le fameux coffret de voyage de Marie-Antoinette. Et aussi des mises
en situations des diverses techniques industrielles. Ou encore une
section du Musée qui regarde vers l’avenir. Avec un thème autour
de la mondialisation, du marketing et des nouveaux marchés. Pour les
historiens, et tous les amoureux du parfum.
On vous en dit plus à la fin du mois.
Garance
http://www.museesdegrasse.com